Financement de la vie politique
La législation française en matière de financement de la vie politique est sans doute l’une des plus avancées dans le monde.
Sur le papier, le dispositif est solide et a la particularité de reposer sur des fonds publics, ce qui empêche toute dérive de financement privé impossible à tracer. Un système d’égalité entre candidats existe donc. Mais le système n’a pas les moyens de ses ambitions.
Les affaires politico-financières viennent encore trop régulièrement nous rappeler qu’il faut rester vigilant. Sur les vingt-cinq dernières années, cinq campagnes présidentielles – 1995, 2007 et 2012, 2017 et 2022 – ont été marquées par des soupçons d’irrégularités découvertes non par les autorités de contrôle mais grâce à l’action de lanceurs d’alerte, des journalistes d’investigation et de la société civile.
En 1995, les irrégularités des comptes de campagne de Jacques Chirac et Edouard Balladur ont été couvertes par le Conseil Constitutionnel.
C’est ce que nous a appris le déclassement des archives de cette institution chargée à l’époque du contrôle des comptes de campagne des candidats à la plus haute fonction. En 2007, alors que le compte de campagne de Nicolas Sarkozy a été validé par la Commission Nationale des Comptes de Campagne et du Financement de la Vie Politique (CNCCFP), le site d’information Mediapart a diffusé en 2012 deux documents laissant supposer l’existence d’un versement de 50 millions d'euros à des fins de financement. Des révélations qui ont entrainé une longue instruction clôturée en 2023 et qui pourrait déboucher sur un procès.
La présidentielle 2012 a quant à elle été marquée par « l’affaire Bygmalion ».
Un dépassement de près de 20 millions d’euros du plafond maximal de dépenses autorisées, a échappé à la grâce à un système de double comptabilité et de fausses factures. La commission n’a en effet été capable de repérer qu’une anomalie de facturation portant sur un meeting du candidat de l’UMP. Suffisant pour invalider son compte de campagne, mais pas assez pour mettre à jour le système de fausses factures qui a permis à Nicolas Sarkozy de dépenser deux fois plus que le plafond autorisé par la loi. Une affaire qui a valu à l’ancien président de la République une condamnation à un an de prison pour financement illégal de sa campagne présidentielle en 2021. Les douze autres prévenus ont également été condamnés dans cette affaire.
Les présidentielles de 2017 et 2022 n’ont pas été épargnées puisque la mandataire financière du candidat et trésorier de l’association de financement de Jean-Luc Mélenchon pour sa campagne 2017 ont été mis en examen respectivement pour prêt illicite de main-d’œuvre et usage de faux, et prêt illicite de main-d’œuvre, faux, escroquerie et tentative d’escroquerie.
En novembre 2022, le Parquet national Financier annonçait, suite à « l’affaire Mckinsey » l’ouverture de deux informations judiciaires sur le rôle des cabinets de conseil dans les campagnes de 2017 et 2022. Depuis, les enquêteurs, ont perquisitionnés le siège parisien de Mckinsey, celui du parti Renaissance ainsi que les domiciles de dirigeants et anciens dirigeants du cabinet de conseil, sur fonds de soupçons de financement illégal des campagnes électorales d'Emmanuel Macron.
Dans ce contexte tendu, marqué par des affaires qui sont autant de constats de l’insuffisance du cadre légal actuel, Transparency International France porte un plaidoyer pour renforcer le contrôle des comptes de campagne des candidats à la présidentielle et plus largement pour sécuriser le financement de la vie politique en France.
Nos propositions formulées dans un rapport publié en 2019 répondent aux principaux points de vulnérabilité révélés par les « affaires » successives :
Elargir les missions, les pouvoirs et les moyens de la CNCCFP
Notamment pour la doter d’un véritable pouvoir d’enquête devant lui permettre d’accéder aux factures des prestataires. A l’heure actuelle, la CNCCFP ne travaille qu’à partir des seuls éléments déclarés par les équipes de campagne, sans pouvoir vérifier ces informations auprès des autres acteurs concernés.
Instaurer un contrôle en temps réel des dépenses engagées par les équipes de campagne des candidats par la CNCCFP.
Cette mesure permettrait à l’autorité de contrôle de demander rapidement aux équipes de campagne des compléments d’information sur des prestations liées aux dépenses engagées, afin de prévenir d’éventuels dépassements du plafond autorisé. Aujourd’hui, les contrôles de la CNCCFP, ne se font qu’APRES l’élection, dans les six mois suivants le dépôt du compte de campagne du candidat par son équipe. Une temporalité qui pose problème puisque la CNCCFP
Donner à la CNCCFP l’accès aux comptes des partis politiques
Notamment pour s’assurer qu’il n’y ait pas de vases communicants avec les candidats, alors que les partis sont financés par la dépense publique. A l’heure actuelle, la CNCCFP n’a accès à la comptabilité des partis qu’en fin d’année. Insuffisant pour s’assurer de la sincérité de certaines prestations facturées ou détectées un système de fausses factures et de comptabilité parallèle, comme dans «l’affaire Bygmalion».
Permettre aux associations de lutte contre la corruption de se porter partie civile dans les procès liés au financement des campagnes électorales
Comme elles peuvent le faire dans des affaires de corruption, de prise illégale d’intérêts ou de détournement de fonds publics.
Malgré un plaidoyer actif et enrichi par les recommandations d’autres experts du financement de la vie politique comme Julia Cagé ou Romain Rambaud, recueillies en novembre 2021 lors d’un colloque organisé au Sénat, ces propositions n’ont pas été entendues et n’ont pas entraîné de réforme garantissant la sincérité du scrutin présidentiel de 2022, malgré l’effort de transparence de l’équipe de campagne de Yannick Jadot, seul candidat à avoir répondu à l’appel que nous avons lancé aux côtés de l’association anticorruption Anticor, en publiant en temps réel ses dépenses engagées sur son site de campagne.
Sans une réforme ambitieuse, l’élection présidentielle apparaît toujours aussi vulnérable.
Jusqu’à quand ?
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