#Présidentielle2022 : Mais où est donc passée la volonté politique de lutter contre la corruption ?
Transparency France s’interroge sur le flagrant désintérêt des 2 candidats finalistes de cette présidentielle pour la lutte anti-corruption, pourtant jugée prioritaire par les citoyens.
En 2017, la lutte contre la corruption et les manquements à la probité avait été un des enjeux de la campagne présidentielle, avec l’aide il est vrai de ce que l’on avait appelé l’affaire Fillon. L’ensemble des candidats avaient répondu à nos sollicitations. Même si nos 11 recommandations n’avaient pas fait l’objet d’un consensus, les réponses des candidats témoignaient de l’importance qu’avaient les questions d’indépendance de la justice, d’exemplarité et de transparence de la vie publique.
En 2022, rien de tel ; aucun des deux candidats retenus pour le second tour n’a jugé utile de répondre à nos demandes d’engagement en faveur de la lutte contre la corruption et pour la transparence. Ce silence en dit long sur l’absence de volonté de se saisir de ces sujets, pourtant cruciaux pour notre démocratie.
En effet, la corruption est à l’origine de la plupart des crises, qu’elles soient démocratiques, économiques, écologiques ou migratoires. Le renforcement de la coopération internationale dans la lutte contre la corruption d’agent public étranger est le meilleur moyen de garantir une concurrence loyale dans les échanges internationaux, mais aussi de diminuer le nombre de celles et ceux qui, chaque année, quittent leurs pays vers un asile incertain. Faut-il rappeler que les vingt premiers pays d’où sont originaires les demandeurs d’asile ont tous un score très bas dans le classement de l’indice de perception de la corruption de Transparency International, à l’exception de la Géorgie ? Les difficultés que rencontrent les services de l’Etat pour retrouver les bénéficiaires effectifs des biens luxueux (villas, yachts, etc.) détenus par le millier de personnes qui figurent sur les listes de sanctions occidentales auraient dû inciter les candidats à dire comment ils comptaient s’y prendre pour renforcer les moyens d’investigation des services d’enquête et des magistrats chargés de la grande délinquance économique et financière. Les rapports de l’Office européen de lutte anti-fraude (OLAF) sur le dévoiement de l’usage des fonds publics européens par des députés français au Parlement européen sont autant d’indices qu’un effort d’exemplarité s’impose quand on est élu du peuple. Pour lutter contre ces phénomènes transnationaux, mais aussi contre les manquements à la probité parmi nos dirigeants nationaux et nos élus locaux, la justice a besoin de plus d’indépendance et de plus de moyens.
On le constate une fois de plus, la lutte contre la corruption n’est prioritaire que quand éclate un scandale, alors qu’il faudrait au contraire montrer aux citoyens dont on sollicite les suffrages que l’exemplarité, l’éthique et la probité sont au cœur de toutes les politiques publiques.
Ce recul de la place accordée aux manquements à la probité et à l’éthique dans le débat public nous préoccupe profondément du fait de notre mission d’ONG dédiée à la lutte anti-corruption. Il contraste avec la défiance des citoyens vis-à-vis de leurs dirigeants, qui selon le baromètre de la confiance politique du Centre de recherche politique de Sciences Po (CEVIPOF) ne fait que grandir. Ce n’est pas un hasard si l’exemplarité des dirigeants a été placée en tête des priorités du million personnes ayant répondu à la consultation citoyenne Ma France 2022 publiée le 10 mars dernier. Pourtant seuls trois des douze candidats du premier tour se sont positionnés sur nos 11 propositions pour renforcer la lutte contre la corruption. Et ni Emmanuel Macron, ni Marine Le Pen n’en font partie.
Le décalage entre demande et offre d’exemplarité se creuse, sonnant là l’alarme démocratique. Si ce débat n’a pas eu lieu dans le cadre de la campagne présidentielle, il ressurgira nécessairement au cours du nouveau quinquennat.